Que signifient vraiment « garantie de parfait achèvement », « garantie de livraison », « garantie décennale », « dommage-ouvrage », etc. ?
On confond souvent les diverses « garanties », ainsi que les diverses « assurances ». Il y en a beaucoup dans une opération de construction, y compris pour une maison individuelle.
De façon générale, voici ce que représentent celles qui sont imposées par la loi dans le domaine des travaux de construction. Je ne tiens pas compte ici de certaines subtilités, pour être simple et clair : c’est déjà assez complexe comme ça…
Différence entre « Garantie » et « Assurance ».
Ce n’est pas du tout la même chose.
Une Garantie est l’engagement d’une personne (ou d’une société) à maintenir en bon état, réparer, etc. un ouvrage qu’il a réalisé, ou bien à réaliser cet ouvrage, tout simplement.
Une Assurance est l’engagement d’une personne (en fait, d’une personne morale : une compagnie d’assurance) de financer les réparations d’un ouvrage qui se révélerait défectueux, c’est-à-dire de vous verser la valeur estimée des travaux de réfection, et ceci pendant une durée de temps déterminée, en général à partir de la réception des travaux.
Les primes d’assurance sont payées par le professionnel qui réalise les travaux qui sont couverts par l’assurance.
Donc :
La garantie est due en général par le professionnel lui-même : artisan, cmi, architecte, bureau d’études, etc.
L’assurance est due par une compagnie d’assurance (c’est un tiers : il n’a pas signé les contrats de travaux) au titre des garanties dues par son client, le professionnel.
Les GARANTIES imposées par la loi sont :
AVANT la fin des travaux (avant leur Réception) :
La « Garantie de livraison à prix et délais convenus » : seulement avant la Réception
Elle n’est obligatoire que pour qui se charge de la réalisation d’un logement neuf (comme une maison individuelle) et qui s’engage à vous vendre au moins le gros-œuvre et les menuiseries extérieures (portes, fenêtres… ce qu’on appelle le « hors d’eau – hors d’air), c’est-à-dire soit un promoteur immobilier (vous achetez un appartement sur plans : VEFA), soit un contrat de construction d’une maison individuelle (CMI).
Comme une assurance, cette garantie est assurée par une personne tierce (qui n’est pas partie prenante dans le contrat avec le client, par exemple le CMI ne peut pas faire lui-même une telle garantie de livraison). Il faut que ce soit un organisme financier (banque, assurance, etc.) de solvabilité notoire.
Cette « Garantie de livraison » n’existe que pendant les travaux, elle disparaît automatiquement et logiquement dès que le bâtiment est livré, c’est-à-dire le jour de la réception des travaux. Elle n’a absolument rien à voir avec les assurances des travaux, telle que la garantie décennale.
Cette « Garantie de livraison à prix et délais convenus » peut être également prévue dans tous les autres cas que CMI (où, là elle est obligatoire) ; il n’est pas interdit de la contracter en « direct artisans », ou avec un architecte, etc. Par contre, elle est contraignante : en plus de son coût, comme pour le CMI, le garant exigera normalement que le professionnel fasse une marge brute importante entre le prix de vente et le prix de revient, c’est-à-dire entre le montant du contrat-client à recevoir et le total des sous-traitants à payer (en général, 25% minimum de marge imposée, d’après ce que des garants ont pu me dire – la marge brute des CMI étant de l’ordre de 30%). Cela va donc considérablement alourdir le coût des travaux !
La « Garantie de livraison » est en général assortie d’une franchise de l’ordre de 5% (à vérifier sur les clauses du contrat de garantie). C’est-à-dire que si elle doit intervenir, elle demandera d’abord au client de payer en plus 5% du montant du contrat, puis elle se chargera du reste. Ce qui veut dire que le client devra donc avoir payé 100% + 5% = 105% du prix du contrat. Avec une garantie de livraison, le client est sûr de ne pas payer plus que… 105% du prix convenu.
Nota : le contrat CMI impose en plus de la « garantie de livraison », une « garantie de remboursement des acomptes », tant que les clauses suspensives (obtention du permis de construire, du prêt…) sont toujours en vigueur. Cette « garantie de remboursement des acomptes » disparaît dès que le contrat est devenu définitif, c’est-à-dire quand vous pouvez juridiquement commencer les travaux.
Nota bis : le contrat des Architectes d’Aujourd’hui prévoit à la fois qu’il n’y aura pas d’avance – on ne paie que les travaux faits et bien faits – et que les artisans s’engagent sur un prix global forfaitaire. Ainsi le risque financier est maîtrisé, on peut se dispenser d’une garantie de livraison coûteuse, et on évite beaucoup de stress en empêchant ce risque financier.
APRÈS la fin des travaux (après leur Réception) :
Garantie de parfait achèvement : pendant 1 an après la Réception
La loi dit que tout entrepreneur (artisan, cmi, …) doit garantir, pendant 1 an après leur réception, que les ouvrages qu’il a réalisés resteront en « parfait état » (sauf l’usure normale ou une dégradation accidentelle), c’est-à-dire que tout artisan doit revenir, à ses frais et indépendamment de toute assurance, pour rectifier tout ce qui n’irait pas.
Ce qui veut dire que pendant cette première année qui suit la Réception, c’est-à-dire pendant l’année de « parfait achèvement », un artisan ou un cmi ne peut pas vous dire : « Ah, pour ça, je fais une déclaration de sinistre, je préviens mon assureur, il prendra la suite de cette affaire ». Non, il vous doit cette réparation. Qu’il contacte ou pas son assureur n’a pas à entrer en ligne de compte, il peut le faire de son coté s’il veut, mais vous n’avez pas à en tenir compte (c’est son affaire, vous n’avez pas à avoir à faire avec son assureur).
Seuls les sinistres entrant sans conteste dans la « Garantie décennale » ne sont pas compris dans la « Garantie de parfait achèvement ». Dans ce cas seulement, c’est la procédure de déclaration de sinistre qui se met en route.
Garantie de bon fonctionnement : pendant 2 ans après la Réception
La loi dit que tout « constructeur » (au sens juridique du terme : artisan, cmi, architecte, bureau d’études,…) doit garantir, pendant 2 ans après leur réception, les ouvrages de fonctionnement dissociables du gros-œuvre ou qui ne sont pas strictement indispensables pour habiter (dans le cas d’un logement). Cela concerne par exemple : un robinet, une prise courant, une serrure,… Pour les menuiseries, le cadre scellé au gros-œuvre relèverait de la garantie décennale et l’ouvrant (démontable) de la garantie de bon fonctionnement. Idem pour les canalisations, suivant qu’elles sont scellées dans le gros-œuvre (garantie décennale) ou apparentes (garantie de bon fonctionnement).
La Garantie de bon fonctionnement est donc « de droit ». Elle existe toujours, on ne peut pas s’en dispenser (même si un contrat le disait, ce serait une clause illégale, donc nulle). Par contre, il n’y a pas d’obligation d’assurance expresse pour elle. L’artisan vous doit cette garantie, mais il est possible qu’il ne soit pas assuré pour cette garantie-là. Dans ce cas, il vous la garantit sur ses biens propres. Si l’artisan n’existait plus quand survient le dommage, vous n’aurez personne contre qui vous retourner, à moins que vous ayez pris un architecte, évidemment.
En fait, cette garantie est considérée comme étant une extension de la Garantie décennale. Elle prend donc la forme d’une « option » de la Garantie décennale. Vous devrez absolument vérifier qu’elle est bien mentionnée dans l’attestation d’assurance décennale que le professionnel vous remettra.
Garantie décennale : pendant 10 ans après la Réception
La loi dit que tout « constructeur » (là aussi au sens juridique du terme : artisan, cmi, architecte, bureau d’études,…) doit garantir, pendant 10 ans après leur réception, les ouvrages de structure (gros-œuvre, charpente, …) qui assurent la solidité (stabilité) du bâtiment, ou ceux qui le rendraient impropre à sa destination, c’est-à-dire qui rendrait les lieux inhabitables pour un logement.
La Garantie décennale est elle-aussi « de droit ». Elle existe toujours, on ne peut pas s’en dispenser (même si un contrat disait le contraire, ce serait une clause illégale, donc nulle). Par contre, il est obligatoire d’être assuré pour cette garantie, auprès d’une compagnie d’assurance tierce (on ne peut pas « s’auto-assurer »). Vous devez donc vérifiez là-aussi que le professionnel vous remettra une attestation d’assurance décennale (et pensez à vérifier à cette occasion qu’il y a bien l’option « Garantie de bon fonctionnement » de 2 ans).
Nota : Attention à une bizarrerie : les dates de validité de l’assurance doivent comprendre le jour où le chantier global est ouvert, pas forcément le jour où les travaux sont faits ! Par exemple, pour un chantier ouvert en novembre 2017 (terrassements, fondation, etc.), le carreleur doit avoir une attestation d’assurance valable en novembre 2017, même s’il ne fait les travaux qu’en mai 2018 ! et même s’il n’est plus assuré en mai 2018 (ce qui serait inquiétant par ailleurs, mais qui ne remet pas en cause sa garantie décennale : il reste assuré et donc vous restez couvert).
L’assurance Dommage-Ouvrage
C’est une assurance complémentaire, mais elle ne correspond pas à une extension de garantie. Elle assure les mêmes travaux, suivant les mêmes garanties légales (décennale 10 ans avec option « bon fonctionnement » 2 ans). En prenant cette assurance, vous payez une prime d’assurance qui correspond au service qu’apporte l’assureur D-O : en cas de déclaration de sinistre, c’est lui qui gère la gestion du sinistre, vous n’avez à faire qu’à lui.
Mais ce n’est pas parce que vous n’avez pas de D-O que vous ne serez pas assuré en décennal : les assurances des artisans, architecte, cmi, bureau d’études, etc. restent de toute façon valables, qu’il y ait D-O ou pas (par exemple, vous n’aurez pas de remise de prix sur chacun de ces professionnels parce que vous aurez payé un D-O, chaque professionnel paiera de toute façon sa propre prime d’assurance).
Nota : bizarrerie de la loi là-aussi, l’assurance D-O est obligatoire pour tous, mais aucune sanction n’est applicable aux particuliers (personnes physique) qui construisent leur logement pour eux-mêmes ou pour leurs ascendants ou descendants. Attention, vous devez construire pour vous-même, et vous ne devez pas être une société (par exemple une SCI familiale : personne morale ! donc D-O obligatoire et sanctionnable). Vous ne pouvez pas non plus faire faire vos bureaux ou atelier, etc. sans D-O : ce sera sanctionné car ce ne sont pas des logements. Il s’agit de sanctions pénales, amende financières et (très éventuellement, quand même) emprisonnement…
L’assurance Responsabilité Civile
Il est très important que tous les professionnels à qui vous vous adresserez soient également assurés en Responsabilité Civile. Les assurances que l’on vient de voir ne couvrent strictement que les travaux proprement-dits, pas les autres dommages qui peuvent résulter du chantier. Par exemple, si un artisan dégrade le toit du voisin en enduisant la façade et provoque un sinistre, les assurances (décennales, etc.) n’interviendront pas, car il ne s’agira pas des travaux que vous avez commandés (vous n’avez pas commandé les travaux de toiture de votre voisin, ce n’est pas l’enduiseur qui a construit le toit du voisin). C’est donc l’assurance de l’artisan qui paiera les dégâts. Et votre voisin pourra s’il le veut se retourner contre vous, en tant que maître d’ouvrage de l’opération (par exemple si l’artisan n’est pas assuré en Responsabilité Civile).
Vous devrez donc vérifier que tout le monde est également bien assuré en Responsabilité Civile – votre architecte le fera pour vous.
Enfin, un architecte (c’est-à-dire un professionnel inscrit au Tableau de l’Ordre des architectes) vous doit une garantie qui est propre à notre profession et correspondant au Code de Déontologie des architectes :
https://www.architectes.org/code-de-deontologie-des-architectes
Pour résumer, voici un Tableau récapitulatif :